Le Café National, célèbre dans tout le canton, est plus désert que jamais. Mimi Dimitracopoulos, derrière son comptoir jusqu’en 2012, est en effet décédée à l’âge de 94 ans. La commune a appris avec tristesse cette nouvelle et adresse à la famille ses plus sincères condoléances.
Les journaux ont commenté ce départ d’une figure locale. Voici d’abord l’hommage de Jean-Néville Dubuis, paru dans La Région le 8 juin 2017, suivi du texte de Frédéric Ravussin, paru dans 24 Heures le 9 juin.
Les adieux à Mimi, l’âme du Café National
Elle était «notre Mimi». Oui, «notre», car elle a incarné à elle seule le coeur du village de Suchy, le rendez-vous des amis depuis des temps quasi immémoriaux à la pinte du village. Imaginez: elle avait 4 ans quand Marie-Madeleine Buchs a fait son entrée au «Café National»! Et elle l’a quitté à 90 ans… Ses parents étaient à la fois cafetiers et paysans.
Mimi a toujours vécu à Suchy, sauf son année passée dans une famille en Suisse alémanique, comme c’était la tradition. A son retour, c’est tout naturellement qu’elle avait rejoint ses parents pour travailler au café et à la campagne. C’est aussi le temps où les clients des villages voisins venaient se désaltérer à cheval. Patente en poche après avoir réussi le cours de cafetier à Vevey, elle prit la tête de l’établissement.
Après la guerre, un beau jeune homme grec, prisonnier de guerre qui avait traversé les montagnes à pied pour s’enfuir d’un camp italien, avait abouti à Suchy. Elle le trouva beau et gentil, il lui plut, ils se plurent. A 27 ans Mimi et Démètre Dimitracopoulos se marièrent, avec une cérémonie à l’église orthodoxe grecque de Lausanne et une autre à l’église protestante de Chamblandes. Bel exemple d’œcuménisme! Avec son mari, elle a passé des vacances dans sa belle-famille en Grèce. Elle y a appris des rudiments de grec. Deux enfants sont venus ensoleiller le couple, Alexandre et Catherine. Mais, à 19 ans, Alexandre fut victime d’un accident, laissant Mimi et sa famille à jamais inconsolables.
« Ils sont gentils »
Mimi au National en 2007 (source: flickr)
Depuis cinq ans, le National est fermé suite aux soucis de santé de Mimi qui tenait seule son établissement et a dû renoncer. Tous ses chers clients ont regretté son accueil, sa gentillesse et cette rencontre hors du temps qu’ils trouvaient au «National». Elle a toujours aimé ses habitués («ils sont gentils», disait-elle), mais aussi les gens de passage, de Lausanne ou d’ailleurs qui traversant Suchy découvrirent cette pinte et y revinrent, conscients d’avoir déniché un trésor caché. Des articles de journaux et une mention dans un livre écrit par Gilbert Salem ont pour toujours rappelé le caractère unique de ce café. Tous ceux qui y ont fait halte ont pu observer que Mimi était une amoureuse des fleurs. Sa collection d’orchidées en témoignait. Elle faisait une des meilleures fondues à la ronde. Et, chez elle, les heures d’ouverture étaient élastiques. C’était selon les clients. Parfois quelques «pèdzes» refaisaient le monde jusque tard dans la nuit après les séances du Conseil général.
Sa fille, la rayonnante Katina, l’a entourée et aidée dans sa vie quotidienne aussi longtemps que possible. Puis, quand les services du CMS n’ont plus suffi et que la sécurité n’était plus garantie, elle est allée en maison de retraite. Là aussi, sa gentillesse et son non-jugement ont marqué tout le personnel qui le lui a bien rendu en la dorlotant avec douceur. Elle y a fini sa vie le 6 juin, dans sa 95e année.
Très chère Mimi, chère Madame Dimitracopoulos
Il y a un peu plus de vingt-cinq ans qu’au début d’une fin d’après-midi je faisais mon entrée dans votre estaminet. Il faisait beau, mai fleurissait le village…
Nouvel habitant de Suchy je découvrais. Nouveau voisin je vous rencontrais. Vous regardiez Top-Model et vingt ans plus tard vous y étiez toujours fidèle… Vingt ans plus tard j‘étais toujours un habitué, à ma place favorite, face au fourneau, devisant avec Gustave, Pierre et autres amis. Encore tout ébloui de votre constante gentillesse…
«Vous désirez quelque chose?»
Et vous étiez là. Un verre vaudois caché dans votre dos, prête à remplir ce symbole de l’amitié, connaissant les goûts de vos clients fidèles . . .
2 décis, Mimi, voilà la vie qui s’ouvre.
2 décis Mimi, voilà les langues qui s’activent.
2 décis Mimi, voilà les idées qui s’échauffent.
2 décis Mimi, et nous voilà des Don Quichotte.
Le dernier, Mimi, on se calme.
Le dernier, Mimi, on entend chanter un coq au loin.
Le dernier Mimi, et le sourire revient.
Le der des der, et c’est un moment d’éternité au café National.
MERCI . . MERCI …Mimi pour tous ces instants.
Et bon voyage dans l’éternité.
Jean-Néville Dubuis