À peine arrivée, déjà bien intégrée ! La nouvelle tenancière Isabel donne un nouveau souffle à l’Auberge de Suchy en y apportant son énergie, sa bonne humeur ainsi que sa cuisine généreuse. Elle n’a qu’une idée en tête : faire de ce restaurant un lieu de convivialité et de partage.
Pouvez-vous vous présenter en quelques mots pour les habitantes et habitants de Suchy ?
J’ai passé la première moitié de ma vie en France, à Paris. Mais cela fait déjà 25 ans que j’ai emménagé en Suisse. La restauration a toujours fait partie de ma vie. Pour dire vrai, ce n’était même pas réellement prévu mais ça m’est apparu un peu comme une évidence au fil du temps. J’aime le contact avec la clientèle et je pense plus pouvoir m’en passer ! J’espère que les habitants des environs vont le ressentir. En tout cas, c’est un vrai plaisir pour moi d’avoir repris cette auberge.
Avez-vous une expérience dans la restauration ou l’hôtellerie ?
J’ai eu un bar-restaurant pendant 17 ans à Yverdon. Je l’ai ouvert en 1998. Il faisait aussi discothèque d’ailleurs ! Je dois dire que ces années passées à mon compte dans ce lieu font parties des plus belles années de ma vie. J’ai adoré la dynamique, le rythme parfois un peu effréné et le rapport avec les clients qui étaient fidèles et donnaient aussi beaucoup en retour. J’avais la sensation de beaucoup donner mais aussi de recevoir; c’est ce qui rend l’expérience vraiment vivante et l’ambiance super. Par la suite, j’ai repris un établissement à Puidoux. Mais cette fois-ci, c’était un restaurant avec bar et même un hôtel. C’était un gros complexe. Il s’appelait le Logis du Pont. Mon expérience était différente, il y avait beaucoup de choses à gérer, mais j’ai quand même beaucoup apprécié et surtout ça m’a permis de me dépasser.
Qu’est-ce qui vous a donné envie de reprendre cette auberge ici, dans la commune de Suchy ?
À vrai dire tout cela s’est fait très rapidement et ce n’était pas prévu. Des acheteurs voulaient absolument reprendre mon établissement à Puidoux et l’ancien tenancier, Stéphane, voulait également vraiment remettre l’Auberge. Mais finalement, ça coïncidait bien avec ma situation. J’ai déménagé dans la région il y a de cela environ 1 an et je devais donc faire 2 heures de route par jour pour faire l’aller-retour. Ça devenait ennuyeux, notamment car j’ai un fils qui n’a que 12 ans et il a encore besoin de moi. C’était en fait l’occasion parfaite d’adopter un train de vie plus agréable surtout dans un joli cadre comme celui de Suchy.
Quelle est votre vision de cette auberge ? Qu’aimeriez-vous en faire ?
Pour moi, lorsqu’on est restaurateur on se doit d’aimer ce qu’on fait. Cela reste un métier avec un rythme rude et si l’on n’apprécie pas notre activité, il est dur, je pense, de créer un lieu vraiment agréable. Mon but est de rendre l’Auberge conviviale et surtout familiale. Mon fils travaille d’ailleurs avec moi, pas celui de 12 ans évidemment ! C’est assez représentatif de l’ambiance générale que j’ai envie d’instaurer ici. On est dans une petite commune : il faut se donner les moyens de satisfaire tout le monde et de faire vivre le village. Pouvoir offrir un lieu de partage, dans lequel on peut se rassembler autour d’une table et venir tel qu’on est, c’est le plus important selon moi.
Qu’est-ce qu’on trouvera à la carte ou au menu ces prochaines semaines ?
Les menus de jour vont évidemment varier toutes les semaines. Tout le monde peut y trouver son compte. Ce sont des repas plutôt traditionnels, comme des filets de perches, du roastbeef, des entrecôtes ou des émincés par exemple. Pour ce qui est de la carte, on est content d’en proposer une avec beaucoup de choix. Je tenais notamment à y incorporer beaucoup de fruits de mer et également quelques spécialités portugaises. Le cuisinier est portugais et moi aussi d’ailleurs !
Par ailleurs, j’offre une petite viennoiserie et un mini jus d’orange avec le café pour le même prix. Les petits canapés ou autres snacks sont aussi au rendez-vous pour l’apéro. Encore une fois, ça rappelle les codes du Portugal ou de l’Espagne. C’est un peu ma marque de fabrique. Je l’ai toujours fait et pas seulement pour fidéliser les clients. Ça représente pour moi une manière d’apporter quelque chose de plus à mes clients, d’honorer les liens sociaux.
Travaillez-vous avec des produits locaux ou des producteurs de la région ?
Tout à fait ! Nous essayons de nous procurer des produits comme les légumes, les vins ou autres provenant de la région. On met aussi de la même façon un point d’honneur à ne travailler qu’avec des produits frais et les cuisiner le jour même. Les frites, les plats à la carte ou les menus du jour, rien n’est préparé à l’avance. On a eu la chance de pouvoir installer une chambre froide, ce qui était pour moi indispensable pour travailler dans les meilleures conditions possibles. Je suis très contente que la commune ait joué le jeu.
L’auberge sera-t-elle un lieu ouvert à d’autres activités : rencontres culturelles, soirées, etc. ?
Ça ne fait pas de doute ! J’ai d’ores et déjà pu discuter avec des membres de la jeunesse locale qui sont devenus de très bons clients: ils sont super sympas. Ils m’ont proposé d’ouvrir plus longtemps les weekends. Ce n’est pas dans le but de faire la fête mais simplement d’avoir un lieu dans lequel se retrouver après une semaine de travail et de d’y rester un peu plus longtemps. J’ai trouvé l’idée bonne ! Il ne me reste plus qu’à faire une demande à la commune.
Avez-vous eu des premiers échanges avec les habitants du coin ?
Tout le monde est extraordinairement gentil. L’atmosphère est très positive dans ce village. J’ai réalisé que je connaissais pas mal de monde ici déjà. Évidemment, Yverdon c’est tout près. Mes anciens clients sont presque désormais tous mariés et ont des enfants que je n’ai même pas vu naître mais qui sont plus grands que moi ! Mais vraiment Suchy est une commune exceptionnelle et ses habitants également. Je ne dis pas cela pour faire plaisir, je suis toujours très honnête. Mais l’accueil que j’ai reçu est mémorable. Tout le monde est venu se présenter. J’ai tout de suite compris que j’avais pris la bonne décision en reprenant cette Auberge.
Quelle a été votre plus grand défi jusqu’ici dans cette aventure ?
Je dois dire que l’urgence dans laquelle j’ai dû remettre mon établissement à Puidoux et reprendre l’auberge, c’était vraiment chaud! Un vrai défi qui dure toujours un peu : je croule sous les rendez-vous tout en devant m’activer dans le restaurant. La première semaine ici, je crois que si l’on dormait 3 ou 4 heures par nuit, c’était déjà trop. Mais on commence à prendre nos marques et comme je l’ai dit, j’ai zéro regret. Je suis très heureuse d’être ici. J’ai d’ailleurs eu la chance d’être très soutenue par mes clients de Puidoux qui ont rempli mon restaurant la semaine passée. Il y en a même encore aujourd’hui: je suis très reconnaissante.
Que souhaitez-vous dire aux habitantes et habitants de Suchy pour les inviter à venir ?
J’aimerais simplement dire que tout le monde est le bienvenu. La porte est grande ouverte que cela soit pour manger, boire un verre ou même venir redécouvrir l’endroit. Ici, c’est sans chichi, l’important est que tout le monde s’y sente bien.
Stéphane Richard, l’ancien propriétaire de l’Auberge, témoigne de son expérience, durant ces 7 dernières années passées à Suchy.
Comment avez-vous vécu cette transition rapide de la remise de votre établissement ?
C’était vraiment précipité ! En réalité, je n’ai pas encore réalisé car j’accompagne encore beaucoup la nouvelle tenancière, car elle a tout repris, y compris la caisse enregistreuse par exemple, qu’il fallait reprogrammer et dont je connais la programmation par coeur. Le système de réservation par le site internet de l’Auberge a dû être également refait. Je travaille donc sur pas mal d’aspects informatiques et techniques, afin de la soulager, pour qu’elle se concentre pleinement sur ses clients, et non sur de l’administration. Je m’occupe également de documents administratifs, afin d’annoncer ma cessation d’activité professionnelle, mais également pour la caisse de pension ou autre, il y a pas mal à faire !
Avez-vous des projets futurs, après avoir tenu l’Auberge durant toutes ces années ?
Je ne sais pas si vous êtes au courant, mais ma femme est malade. Elle a besoin de soins hospitaliers quatre heures par semaines et cela depuis deux ans. Au mois d’août 2016, j’ai dû réfléchir à si je renouvelais mon bail ou non, et comme je ne savais pas encore que ma femme était malade, je l’ai renouvelé jusqu’à fin 2025. En septembre dernier, on a donc découvert que ma femme a perdu ses deux reins en raison d’un cancer de la moelle osseuse. Elle a donc plusieurs analyses et chimiothérapies par semaine, ce qui est très lourd avec un commerce. De plus, ma femme ne parle pas français et donc, je dois toujours l’accompagner. Cela me prenait donc un temps terrible et j’ai donc décidé de ne pas à nouveau renouveler mon bail. J’ai 63 ans donc j’arrive à l’âge où je peux prendre une retraite anticipée. Mais l’opportunité de laisser mon entreprise plus tôt s’est présentée. Et une opportunité comme celle-là, avec une personne qui est prête à racheter tout mon inventaire, elle ne se présente pas tous les jours. C’est pour cela que ça a été aussi vite et rapide, car en trois semaines j’ai remis mon établissement, et je peux maintenant me consacrer à la santé de ma femme. Notre futur ressemble donc à, premièrement aller jusqu’à la fin de l’année. Je compte également faire des travaux temporaires, comme par exemple à la Fête Fédérale de la Gymnastique à Lausanne durant le mois de juin. Je vais donc faire cela jusqu’à la fin de l’année, puis je compte utiliser ma caisse de retraite pour que l’on quitte la Suisse avec ma femme.
Finalement, que retenez-vous de votre expérience à l’Auberge de Suchy ?
J’ai eu une expérience extraordinaire, de par ma clientèle très fidèle, qui s’est agrandie de jour en jour. Je ne peux que la remercier, car c’est grâce à elle qu’on a tenu tout ce temps, malgré les années Covid. C’est clair qu’un village comme Suchy, ce que je n’avais pas réalisé au départ, c’est que nous ne sommes par sur une route de passage. Il faut donc se battre afin de gagner un certain nombre de clients, pour que l’établissement survive. Jusqu’à ce que l’on trouve la solution idéale, comme les heures d’ouverture ou le nombre d’employés, cela a pris du temps. Cela a été un grand enrichissement pour moi de voir qu’il était possible de faire tourner un établissement comme l’auberge communale de Suchy, malgré le mauvais emplacement je dirai. J’en retiens donc beaucoup d’aspects positifs, mais cela a engagé un investissement presque incalculable, qui fatigue parfois. Ce qui m’a le plus fatigué c’était vraiment cette double fonction entre proche-aidant et patron d’un commerce pendant plus de deux ans, c’était très pénible ces dernières années. Avant, je n’avais aucun souci puisque ma femme travaillait à mes côtés. Son arrêt a donc soudainement créé un vide. Mais c’était globalement une expérience très enrichissante que de tenir cette auberge !